1 fluides HYDROTHERMAUX MINERALISATEURS ("ore-bearing fluids")
1.1 Origine des fluides hydrothermaux minéralisatieurs
Les eaux naturelles qui participent dans les fluides hydrothermaux peuvent avoir diverses origines (Tableau 3.1).
Tableau 3.1 Différents types de fluides, origines et salinités
Types de fluides
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Origine
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Salinité
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Fluides hydrothermaux-magmatiques
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("eaux juvéniles")
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salinité modérée à très élevée
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Fluides métamorphiques
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Déshydratation minérale
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salinité basse
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Fluides météoriques peu évolués
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par migration superficielle
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salinité basse
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Saumures de bassins "basinal brines"
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Fluides météoriques (et marins) fortement évolués pendant leur migration profonde
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salinité modérée
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Eaux fossiles ("connate waters")
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piégées dans les pores des sédiments marins
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salinité modérée à haute
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Eaux marines
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Eaux météoriques
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salinité Modérée
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Eaux météoriques
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précipitation de surface: pluie ou neige
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basse salinité
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Un facteur prédominant qui différentie ces fluides est leur salinité. Les fluides magmatiques peuvent être très salins (jusqu'à 60 % Eq NaCl). Les fluides météoriques et métamorphiques sont typiquement peu salins. Les autres types de fluides peuvent contenir d'importantes concentrations en ions Cl-. Dans beaucoup de cas, les fluides hydrothermaux sont issus du mélange de divers types de fluides.
A cause de leur interaction avec les roches encaissantes ("water-rock interaction"), les fluides salins tendent à être acides. Une interaction avec une roche encaissante (contenant du carbone organique ou du fer ferreux Fe2+) donne lieu fréquement à des fluides légèrement réduits à moins que ces fluides ne traversent une roche fortement oxydée (comme peuvent l'être les "red beds").
Les fluides les plus importants du point de vue métallogénique, sont les fluides météoriques évolués et les fluides hydrothermaux magmatiques, et dans une moindre mesure les fluides métamorphiques.
A Noter que tout fluide aqueux chaud est appelé fluide hydrothermal, indépendamment de son origine. Par exemple, une eau d'origine météorique chauffée lors d'un enfouissement sera un fluide hydrothermal. Si le fluide chaud est un gaz, nous parlerons d'un fluide pneumatolytique.
1.2 Compositions typiques des solutions hydrothermales
Tableau 3.2 Composition de quelques solutions hydrothermales modernes et anciennes. (Barnes, 1979)
Le tableau 3.2 montre les compositions typiques de fluides hydrothermaux anciens et modernes. A noter que les exemples modernes correspondent essentiellement à des fluides météoriques évolués donc riches en NaCl. Les analyses de fluides anciens concernent des "basinal brines" (4 et 5) avec une salinité modérée et unfluide sous l'influence magmatique d'un porphyre. Les compositions de fluides anciens découlent de l'étude d'inclusions fluides et sont donc une approximation. Les fluides réels ne sont probablement pas aussi riches en métaux. On considère qu'un fluide doit contenir quelques ppm (=10 ppm) en métaux pour pouvoir former un gisement.
1.3 Source des composants d’un fluide hydrothermal
Figure 3.1 Sources possibles des solutions hydrothermales minéralisantes (Tirée de Gilbert & Park, 1985)
a) De l’eau
Comme indiqué dans la figure 3.2, il existe une variété d'origine de fluides hydrothermaux associé aux gisements (par ex. météoriques, eaux fossiles, fluides évolués dans un bassin sédimentaire, métamorphiques, magmatiques). On parvient à cette conclusion de façon empirique par les évidences des observations de terrain comme dans les exemples suivants:
ü Origine magmatique. Par exemple, on observe souvent des gisements autour de certains plutons felsiques.
ü Saumure de bassin "basinal brines" (p. ex. des gisements en bordure de bassins sédimentaires);
ü Eaux métamorphiques (p. ex. une association persistante entre certains types de filons de quartz dits "mésothermaux" avec des roches ayant subi un métamorphisme faciès schiste vert à amphibolite).
La relation entre la source des fluides et la formation des gisements métallifères est confirmée par les données des isotopes d'oxygène et d'hydrogène Ces rapports isotopiques peuvent aussi permettre de calculer les températures de formation, ou, Si la température est connue, les rapports isotopiques de l'eau lors de la minéralisation.
b) Du soufre
Les évidences géologiques suggèrent aussi la participation d'une variété de sources pour le soufre:
ü soufre magmatique (les roches magmatiques contiennent presque toujours des disséminations de sulfure (p. ex. de pyrrhotite, pyrite, ou en moindre mesure de sulfures de Ni);
ü soufre des roches encaissantes (p. ex. évaporites, shales pyritiques, dissémination de sulfures magmatiques dans des roches intrusives)
ü sulfate de l'eau marine
Les rapports isotopiques du soufre confirment la participation des différentes sources pour le soufre dans la formation des gisements métallifères hydrothermaux. Les rapports isotopiques permettent aussi, dans certains cas, de calculer les températures de formation des sulfures.
c) Des métaux
Le tableau 3.3 donne les concentrations en métaux dans différents types de roches. Les évidences géologiques indiquent que les métaux sont dérivés d'un magma (p. ex. association de certains métaux avec certains types d'intrusions), ou lessivés des roches encaissantes par des fluides hydrothermaux.
Tableau 3.3 Concentration de métaux choisis de différents types de roches (ppm) (Rose et al., 1979 ; Guilbert & Park, 1986 et Krauskopf & Bird, 1996)
Les rapports isotopiques du Pb et du neodymium permettent, dans certains cas, d'établir directement les sources des métaux.
Les rapports isotopiques de H, O, S, et C peuvent aider à établir les sources des fluides et donc, indirectement, les sources des métaux.
1.4 Types de fluides hydrothermaux et grands types de gisements
Le Diagramme 3.2 donne un aperçu général de types de gisements hydrothermaux et des fluides qui les ont générés. Le tableau 3.4 donne les compositions de fluides dans quelques types de gîtes minéraux
Fig. 3.2Diagramme schématique mettant en relation divers types de gisements avec les sources des fluides hydrothermaux qui les ont générés. (Barton, 1979).
Tableau 3.3: Compositions de fluides dans quelques types de gîtes minéraux d'après Phillips et Powell (1993)
Gisements
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Salinité
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Volatils
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°C
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Pression
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Au type Archéen
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Basse
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CO2
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300-400
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Au type Witwatersrand
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Basse
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300-400
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Au type Épithermal acide
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Variable
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200-300
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<0,2 Kb
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Au type Épithermal neutre
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Faible
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50-350
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Épithermal alcalin
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0-10%
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<2m CO2
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150-320
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<0,5 Kb
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Mercure
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Fort
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CO2, N2, CH4
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100-150
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12-16 MPa
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Au type Carlin
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Bas (<10%)
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CO2, H2S
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180-300
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0,3-1 Kb
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Au type Tennant Creek
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très fort
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300-400
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Porphyre Au
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très fort
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300->550
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Pb-Zn-Cu
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Porphyre Cu
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Très fort
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250->450
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Chypre
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Eau de mer
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270-350
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Kuroko
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> = eau
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CO2
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150-350
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Amas (sud-ibérique)
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Très fort
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200-400
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MVT
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Très fort
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100-200
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Grès Cu
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Très fort
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150
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Autres
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Porphyre Mo
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Variable
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300-700
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1 Kb
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Sn-Ag
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Très fort
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400
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W skarn
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Fort
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450->600
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>2 Kb (200 MPa)
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Cu-Au skarn
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Très fort
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300-700
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20-200 MPa
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Sn-W greisens
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Très fort
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N2, CH4
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400-600
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0,5-0,6 Kb
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U discordance
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Très fort
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150-220
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5 km
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Rössing
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Très fort
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<200
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Filons Sb
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Moyen (2-10 %)
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CO2
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300-150
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Pb-Zn cisaillement
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Fort
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200-100
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1-3 Kb
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F-Ba cisaillement
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très fort
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<200
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< 1 Kb
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U-REE alcalin
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très fort
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400
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1.5 Mécanismes de mouvement des fluides
Trois grands mécanismes contrôlent le mouvement des fluides hydrothermaux (Fig. 3.3):
ØAnomalies thermiques d'origine magmatique. L'eau chaude, moins dense, monte; l'eau froide descend (A dans Fig. 3.1). Le résultat est souvent un systèmes convectif (exemple une partie des fluides dans les porphyry coppers , les amas sulfurés ,...). Les anomalies thermiques d'origine magmatique contrôlent le 80% du "fluid flow" dans la croûte de la Terre et cela explique l'abondance de gisements associés à des roches intrusives, indépendamment de la source des fluides. En plus il y a dans certains cas un apport d'eau magmatique ("a" dans Fig. 3.1), qui est, du point de vue du volume, beaucoup moins important.
ØAnomalies thermiques par amincissement de la croûte terrestre ("B", dans Fig. 3.4, exemple les gisements de type "sediment-hosted massive sulfides").
Ø Mouvement gravitationnel ("C" dans Fig. 3.1): quand l’ ‘’hydraulic head" se trouve plus haut que l'aquifère (mécanisme très important pour les MVT).
Fig. 3.3 Mouvement et transport des fluides.
La majorité du transport de fluides se fait au-dessus de la transition fragile/ductile. Cela explique que la plupart des gisements se sont formés à des profondeurs de moins de 8-10 km.
La circulation des fluides est facilitée par :
- perméabilité primaire
- perméabilité secondaire
- bréchification hydraulique
1.6 Mécanismes de transport des constituants
En général, la solubilité des métaux dans un fluide est largement augmentée si ces métaux se présentent sous forme de complexes. Les complexes les plus importants intervenant dans le transport des métaux, qui formeront des gisements métallifères, sont des complexes chlorés et des complexes bi-sulfurés.
Complexes chlorés : MeCl2(aq) + H2S(aq) = MeS(s) + 2H+ + 2Cl-
AuCl2-(aq) + 1/2H20 = Au(s) + 2Cl- + H+ + 1/4O2
Complexes bi-sulfurés Me(HS)3-(aq) + H+ = MeS(s) + 2H2S(aq)
Au(HS)2-(aq) + H+ = Au(s) + 2H2S (aq) + 1/4O2
Les conditions de transport sont un des aspects les plus importants à considérer lors de la formation d'un gisement métallifère :
ØLes fluides salins peuvent transporter Pb, Zn,Cu, Ag, et Au.
ØEn général, les fluides non salins peuvent transporter Au, Ag, U, REE, mais NE PEUVENT PAS transporter les métaux de base.
ØDe plus, l'uranium peut être transporté sous forme de complexes carbonatés et le wolfram sous forme de complexes hydroxylés.
1.7 Mécanismes de dépot
En général la précipitation est favorisée par des conditions contraires à celles qui favorisent le transport:
ü Refroidissement ("cooling")
ü Réduction (importante pour la précipitation de métaux transportés comme complexes chlorés par l'augmentation de H2S(aq).
ü Oxydation (effectif pour le dépôt de Au transporté comme complexes bisulfurés).
ü Changement de pH
ü Dilution, diminution de la concentration des ligands des complexes
Ces mécanismes peuvent être contrôlés par les mécanismes suivants
ü Ébullition (boiling)
ü Mélange avec d'autres fluides (fluid mixing)
ü Réaction avec la roche encaissante (water/rock interaction)
L'ébullition est un processus complexe qui en général augmente la concentration de métaux dans le fluide et en favorise donc la précipitation. De plus, l'ébullition enlève des gaz du fluide. Si les ligands partent avec la fraction gazeuse, la diminution de leur concentration dans la fraction fluide peut causer une précipitation rapide (par ex.: en diminuant la concentration de H2S suite à une ébullition, l'Au transporté comme complexe bisulfuré précipitera).
1.7.1 Texture des depôts minéralisés
(1) Dépôt par remplacement
Il s’agit de remplacement de minéraux pré-existants ("replacement")
Processus de dissolution-précipitation ou de diffusion. La phase remplacée le sera au pourtour du grain, le long de fractures, de plans de clivage ou autres discontinuités.
Le front peut être plus ou moins abrupt, régulier ou irrégulier.
Le minéral remplacé peut se retrouver en inclusions de forme irrégulières dans le minéral de remplacement. Le minéral de remplacement peut pseudomorphiser le minéral initial.
Exemples :
Ø Pseudomorphes
Ø Remplacement sélective,
Ø Dilatation de fractures, etc..
Fig. 3.4 : Quelques types schématiques de textures de remplacement des minerais (Tirée de Ramdor 1969).
(2) Dépôts dans des espaces ouverts
Il s’agit de dépôt sans remplacement ("Open space filling").
Produit généralement des cristaux avec des faces cristallines bien formées parce que la surface de croissance est un fluide hydrothermal ou bien un magma.
Si la composition chimique du magma ou fluide change il y aura formation de zonation chimique dans le minéral.
Example de textures de précipitation dans des espaces ouverts
Ø Géodique ou Drusique (druses, géodes, "vugs"): Cristaux croissent à partir de l'éponte vers le centre du filon avec une face idiomorphe.
Figure 3.5 : Géode à cristaux cubiques de galène, Jebel Ajred (Tunisie)
(Photos : Salah Bouhlel)
ü Structure rubanée ou en croûte ("banded ore" ou "crustified") : Bandes différentes parallèles aux épontes. Les rubans peuvent avoir des compositions minéralogiques différentes qui sont en alternance. Les rubans peuvent atteindre une composition monominéralique. Il peut y avoir répétition des rubans, il y a alors rythmicité., selon un arrangement spatial qui est normalement, mais pas nécessairement le même que la séquence paragénétique. Souvent, dans la partie centrale du filon, il y a des cavités parfois tapissées de cristaux bien formés ("geode").
Ø Colloforme: dépôt cryptocristallin en couches très minces (exemples: schalenblende, cérusite, chrysocole, etc.) (Figure 3.6).
Figure 3.6: Structure colloforme de la sphalérite de la mine de Bou Grine (Tunisie). Lame mince microscope à lumière transmise, le noir opaque est de la galène. Largeur de la microphotographie 1 mm (Photo salah Bouhlel)
1.7.2 Interprétation des structures et textures des dépôts
L'interprétation texturale peut être un outil important pour déterminer la séquence temporale des événements qui ont formé les gîtes métallifères.
ü Structure bréchiforme peuvent témoigner d’événements tectoniques avant ou après le dépôt de la minéralisation.
ü Hydralique brecchia est une brèche en mozaïque qui témoigne d’une bréchification sous l’effet de force hydraulique.
üDes structures en cocarde (cokarde ore), témoignent de dépôts concentriques autour des fragments de brèche.
üDépôt colloforme. Les dépôts colloformes ainsi que ceux dendritiques (ou squelettiques) indiquent une précipitation rapide de fluides supersaturés (Honjo and Sawada, 1982; Roedder, 1986a). Ces textures colloformes interprétées comme le résultat de la précipitation de colloïdes; puisque cela n'est généralement pas le cas, on doit soigneusement éviter le terme colloïdal et utiliser le terme génétiquement neutre colloforme.
1.7.3 Textures secondaires de refroidissement : Exsolution
Il s'agit de la cristallisation d'une phase à partir d'une autre durant le refroidissement.
L'exsolution résulte de la déstabilisation d'une solution solide durant le refroidissement. La phase hôte a une composition instable à plus basse température et recherche son état d'équilibre par la cristallisation d'une phase exsolvée.
La phase en exsolution présente une texture caractéristique qui peut être lamellaire, mymékitique (graphique), globulaire mais cristallographiquement orientée.
Fig. 3.6: Quelques types d’exsolutions (Tirée de Ramdor 1969)